PIRATAGE JEUX VIDÉO : EST-CE UN PROBLÈME ?
Le piratage des jeux vidéo est un sujet qui continue d’attirer l’attention de nombreuses personnes au fil des ans.
Certains considèrent le piratage comme une menace pour l’industrie du jeu vidéo, d’autres y voient une forme de protestation contre des politiques de prix injustes ou restrictives.
Dans cet article, nous allons explorer le sujet du piratage des jeux vidéo et tenter de comprendre si ce phénomène constitue ou non un problème pour l’industrie du jeu vidéo et ses consommateurs.
Nous regarderons l’étude commandée par la Commission européenne qui a coûté 360 000 euros (et qui n’a pas été publiée) ainsi que d’autres statistiques utiles. Nous analyserons les causes du piratage, principalement le piratage des jeux vidéo, ses conséquences et les solutions possibles pour s’attaquer au problème.
LE PIRATAGE DES JEUX VIDÉO : SIGNIFICATION
Le piratage de jeux vidéo est une pratique illégale consistant à distribuer, copier, partager ou vendre des jeux protégés par des droits d’auteur sans le consentement des détenteurs de ces droits. Ce phénomène se présente sous plusieurs formes, notamment de:
- Le téléchargement illégal de jeux complets via des sites web, des torrents ou des réseaux peer-to-peer ;
- L’utilisation de logiciels qui permettent de contourner ou de supprimer les protections anti-piratage des jeux ;
- Le partage de copies physiques de jeux entre utilisateurs ;
- la vente de copies illégales des jeux.
L’ÉTUDE SUR LE PIRATAGE FINANCÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE
En mai 2015, le rapport final de l’étude financée à hauteur de 360 000 euros par la Commission européenne a été publié. Selon cette étude, l’analyse statistique ne montre aucun effet du piratage sur les ventes. En revanche, pour les films, une perte de 5 % du volume des ventes est estimée.
Ce rapport n’a jamais été publié, sauf par un membre du Parlement européen qui l’a acquis en accédant aux fichiers en 2017.
Les raisons hypothétiques pour lesquelles le rapport n’a pas été publié sont intéressantes (peut-être que les conclusions n’étaient pas celles espérées ?) et le fait que, après avoir dépensé beaucoup d’argent, la Commission européenne a simplement décidé qu’il ne serait pas publié. S’agissant d’une étude réalisée à l’aide de fonds provenant des impôts des citoyens de l’UE, cela n’est pas acceptable.
Voici les principaux points du document :
” En 2014, en moyenne 51 % des adultes et 72 % des mineurs de l’UE ont téléchargé illégalement ou diffusé en continu toute forme de contenu créatif … Dans l’ensemble, les résultats ne montrent pas de preuves statistiques solides de la substitution des ventes par des violations du droit d’auteur en ligne. Cela ne signifie pas nécessairement que le piratage n’a pas d’effet, mais seulement que l’analyse statistique ne montre pas avec suffisamment de fiabilité qu’un effet existe.
La substitution des films les plus récents en tête de liste constitue une exception. Les résultats montrent un taux de substitution de 40 %, ce qui signifie que pour dix films les plus regardés illégalement, quatre films de moins sont consommés légalement. Dans l’ensemble, la perte estimée pour les films les plus récents est de 5 % des volumes de vente actuels.
Estimating displacement rates of copyrighted content in the EU: Final Report
COMBIEN DE PERSONNES PIRATENT LES JEUX VIDÉO ET POURQUOI ? VOICI LES STATISTIQUES
Une enquête menée par PC Gamer, avec plus de 50 000 réponses, a révélé que 35,8 % des utilisateurs étaient des pirates.
Comme on peut le voir sur ces deux images, ceux qui piratent le plus ont un revenu relativement faible. Ceux qui piratent le plus sont également moins âgés. Le chiffre concernant les 60 ans et plus est probablement faussé en raison du peu de réponses concernant cet âge.
Mais quelles sont les raisons du piratage ? Voyons-les en fonction des revenus.
- La raison “Ne peut pas se le permettre” arrive en tête dans la tranche 0 – 10 000, dépassée par “Avoir une démo du jeu” dans toutes les autres tranches, mais elle reste significative ;
- Essayer le jeu est donc l’une des principales raisons pour toutes les gammes ;
- “Trop cher” est une raison importante pour les deux premières tranches de revenus, alors qu’elle perd de sa pertinence pour les autres ;
- Une raison importante concerne le fait que le jeu n’est pas disponible : peut-être sur son propre marché, ou est un abandonware ;
- Les raisons secondaires sont celles liées au refus d’acheter des titres de certains éditeurs, au refus de supporter les DRM ou au refus d’acheter en général.
En France, nous en sommes à 40% de pirates, sur un échantillon relativement petit mais non négligeable. Ce chiffre est légèrement supérieur mais similaire à la moyenne.
Combien achètent un jeu après l’avoir piraté ? Seuls 33,3 % déclarent ne jamais acheter après avoir piraté, tandis que 47,9 % déclarent le faire dans plus de 50 % des cas.
LES CAUSES DE LA PIRATERIE DES JEUX VIDÉO
De nombreuses raisons poussent les joueurs à pirater des jeux vidéo. Voici quelques-unes des plus courantes :
- Prix élevés : le coût des jeux vidéo peut être élevé et, dans certains cas, constituer un obstacle pour de nombreux joueurs. C’est particulièrement vrai lors du changement de génération, lorsque les jeux augmentent généralement leur prix de manière significative.
- Insuffisance des démos : l’absence de démos ou de versions d’essai de certains jeux peut rendre difficile l’achat d’un jeu au prix fort. Le piratage devient alors une solution pour essayer les jeux avant de les acheter.
- Politiques de restriction : certaines politiques de restriction, telles que la limitation du nombre d’installations ou l’obligation d’être toujours en ligne pour jouer, peuvent être perçues par les joueurs comme une violation de leurs droits et de leur vie privée. Le piratage devient alors une forme de protestation contre ces politiques.
- Accessibilité : dans certaines zones géographiques, l’accès aux jeux vidéo peut être limité ou inexistant. Le piratage devient alors le seul moyen de se procurer des jeux.
- Difficulté d’achat : dans certains cas, les jeux peuvent être difficiles à acheter, surtout s’il s’agit de jeux rares ou hors production. Il s’agit essentiellement d’abandonware, c’est-à-dire de logiciels datant d’au moins cinq ans, en rupture ou sans marché. Le piratage est donc le seul moyen d’obtenir ces jeux.
GABE NEWELL (STEAM – VALVE) SUR LES CAUSES DU PIRATAGE DES JEUX VIDÉO
Gabe Newell est le fondateur de Steam : ce qu’il a à dire sur le piratage est particulièrement important, précisément en raison de son expérience incontestée dans l’industrie.
Selon Gabe, le piratage est avant tout un problème de service à la clientèle, tandis que les ventes promotionnelles sont un excellent moyen d’augmenter les ventes de manière exponentielle.
Nous avons appris que le piratage n’est pas un problème de prix, mais un problème de service. Le moyen le plus simple de mettre fin au piratage n’est pas de mettre en place des technologies anti-piratage, mais d’offrir à ces personnes un meilleur service que celui qu’elles reçoivent des pirates.
Ainsi, selon Gabe Newell, le service doit être meilleur que celui offert par les pirates : pensez par exemple aux mises à jour et aux sauvegardes dans le cloud de Steam, ainsi qu’à toutes les autres fonctionnalités qui facilitent grandement l’expérience de jeu.
Si nous réduisions les prix de 75 %, notre expérience de la tarification de Counter-Strike nous indique que nos recettes brutes resteraient constantes. Au lieu de cela, nous avons constaté que nos ventes brutes ont été multipliées par 40, pas par 40 %, mais par 40.
Nous avons alors décidé que tout ce que nous faisions en réalité était d’avancer les ventes dans le temps. Nous anticipions les ventes futures.
Cela signifie que les offres représentent une excellente occasion de gagner de l’argent, contrairement à une simple réduction des prix. Aujourd’hui, les remises Steam sont une réalité bien établie dans le monde des jeux sur PC, générant chaque année un mème après l’autre.
LES CONSÉQUENCES DU PIRATAGE DES JEUX VIDÉO
Le piratage des jeux vidéo a de multiples conséquences pour l’industrie du jeu vidéo et ses consommateurs. Voici quelques-unes des conséquences les plus importantes :
Perte de revenus : le piratage des jeux vidéo représente une perte économique pour l’industrie du jeu vidéo, qui se chiffre en milliards chaque année. Il faut préciser qu’une copie piratée n’équivaut pas à un achat perdu : les pertes dénoncées sont exponentiellement exagérées.
L’invention de nouveaux systèmes de protection. Pratiquement chaque décennie a vu naître des systèmes de protection différents. Des simples mesures de protection sur papier avant l’an 2000 aux systèmes tels que SecuROM et Denuvo, en passant par CD-Key.
- SecuROM est un système de protection développé par Sony pour empêcher la duplication des CD et des DVD. Dans la pratique, il se comporte comme un malware, créant des problèmes pour la machine sur laquelle le jeu a été installé.
- Denuvo est un système anti-tampering qui crypte et décrypte constamment les fichiers de jeu, rendant difficile la création rapide de cracks.
– Comme on peut l’imaginer, ce système peut avoir des conséquences néfastes sur les jeux, en particulier sur les machines qui ne sont pas vraiment à la pointe de la technologie.
– Ce qui est particulièrement gênant, c’est que Denuvo est généralement mis en œuvre pour ” checker ” l’exécution de certaines actions, ce qui entraîne des ralentissements dans le jeu.
– Denuvo peut également entraîner une faible limite d’activations quotidiennes qui pourrait être dépassée dans plusieurs cas. Il s’agit d’une contrainte assez lourde pour un logiciel pourtant légitimement acheté.
Comme nous l’avons vu, ces systèmes de protection peuvent ralentir le piratage, mais rendent surtout un mauvais service aux utilisateurs payants.
L’altération des jeux. Les versions non autorisées des jeux peuvent contenir des virus, des logiciels malveillants ou des bugs qui endommagent les ordinateurs et les consoles de jeu. Les utilisateurs inexpérimentés peuvent avoir du mal à faire la distinction entre les faux positifs et les vrais virus.
LES SOLUTIONS AU PROBLÈME DU PIRATAGE DES JEUX VIDÉO
Il existe plusieurs solutions au problème du piratage des jeux vidéo. En voici quelques-unes :
- DRM (Digital Rights Management) : la mise en place de systèmes DRM pourrait empêcher le piratage pendant la période la plus importante après la sortie du jeu ; ces systèmes sont souvent invasifs et posent des problèmes techniques aux joueurs. En détériorant le service, les DRM pourraient avoir l’effet inverse de celui escompté.
- Plus de démos et plus de qualité des démos : les développeurs pourraient améliorer la qualité des démos afin de donner aux joueurs une bonne idée du jeu et de les inciter à acheter la version complète. Des démos d’une ou deux heures de jeu seraient idéales. Sans oublier que les développeurs ne diffusent souvent plus de démos, sauf à la presse.
- Réduction des prix : l’une des solutions les plus efficaces pourrait être de réduire les prix des jeux vidéo, afin de les rendre plus accessibles à un plus large public et de décourager le piratage. Nous savons d’ores et déjà que cette solution ne sera jamais mise en œuvre, à l’exception des remises saisonnières.
- Amélioration des politiques de restriction : les sociétés de développement pourraient améliorer leurs politiques de restriction afin d’offrir aux joueurs une expérience de jeu meilleure et moins invasive.
- Offre de contenu supplémentaire : les sociétés de développement pourraient offrir du contenu supplémentaire gratuit ou payant, tel que des extensions ou des DLC, afin d’inciter les joueurs à acheter les jeux légalement.
CONCLUSION : PROTECTION DU COPYRIGHT VS. SERVICE À LA CLIENTÈLE
Le piratage des jeux vidéo est un problème qui affecte l’industrie du jeu vidéo depuis de nombreuses années… et qui continuera à l’affecter pendant de nombreuses années encore.
Pour contrer ce phénomène, il existe plusieurs solutions : les entreprises se tournent vers la protection du copyright et la maximisation des achats pendant la période de sortie des jeux, tandis que les utilisateurs souhaitent des jeux moins chers, plus de démos et un niveau de service plus élevé.
Si les sociétés de jeux dépensaient la même quantité d’argent et d’énergie qu’elles utilisent pour payer les DRM et la consacraient à l’optimisation de la qualité et du service des jeux, le piratage diminuerait en conséquence.
Accepter un certain niveau de piratage fait partie du business.